Le Kintsugi : L'art japonais de la résilience
Le Japon est l’un des pays les plus riches en métiers d’art et de culture. Dans tous les pays asiatiques, la culture japonaise est définie comme un patrimoine ancestral. Parmi toutes ces cultures, l’on retrouve le Kintsugi, qui est une technique ancestrale japonaise. Appelée aussi l’art de la résilience, cette technique consiste à réparer un objet en soulignant ses lignes.
Découverte au XVe siècle, cette méthode a pour but de réparer des porcelaines ou céramiques brisées. Pour les Japonais, cet art ancestral à la fois décoratif et spirituel est aussi un moyen d’entrée en contact avec les esprits. Plus qu’un art, cette technique est aussi une pensée et un symbole de renouveau. En effet, le Kintsugi est issu d’un concept qui voit la beauté dans la simplicité et dans l’imperfection.
Cette méthode japonaise comprend plusieurs symboles et techniques. Elle a aussi une philosophie qui prend en compte le passé de l’objet. En tant qu’art traditionnel, cette technique de réparation d’objet demande beaucoup de temps et de rigueur. Par ailleurs, le Kintsugi requiert également une très grande précision dans les gestes. Il existe alors plusieurs étapes pour la réparation d’un objet.
En moyenne, l’achèvement d’une œuvre nécessite un mois de travail, mais les plus belles créations demandent plus d’un an à réaliser. En effet, il s’agit ici d’un processus long et extrêmement précis. D’autre part, les étapes du Kintsugi peuvent s’appliquer à soi-même pour guérir des blessures.
🥣 L’histoire du Kintsugi
Par définition, Kintsugi vient du japonais « Kin » qui signifie or, et « Tsugi » qui signifie jointure. Apparue dans le XVe siècle, cette technique signifie donc littéralement : « Jointure à l’or ». D’autres l’appellent aussi Kintsukuroi qui signifie raccommodage à l’or ou réparation en or. C’est à la fin du XVe siècle que le shogun Ashigaka Yoshimasa aurait envoyé un bol de thé chinois à réparer en Chine. Plus tard, lorsque le bol revint de Chine, il était réparé avec de vilaines agrafes métalliques. À ce moment-là, les artisans japonais ont cherché un meilleur moyen de réparation plus esthétique.
Le but du Kintsugi était de relever l’histoire de l’objet de décor et l’accident qu’il a subi. En effet, une céramique brisée ne signifiait plus la fin, mais plutôt le renouveau. Ainsi, il s’agit ici d’un autre cycle dans son utilisation et sa continuité pour mettre en valeur ces séparations. Depuis cette époque, il est plus question de jeter une poterie cassée ou de dissimuler ces fêlures. Au contraire, la philosophie de l’art céramique est devenue une véritable culture. En se servant de ces failles, cette méthode met en valeur les porcelaines en les embellissant.
Cet art est aussi une pensée bouddhiste zen qui s’affranchit de la perfection en relatant la beauté de l’objet. En effet, les artisans du Kintsugi s’inspirent de cette théorie pour les réparations des poteries. Ainsi pour recoller les morceaux et pour recouvrir les fissures d’or, ils utilisent le « Urushi » ou laque. Celui-ci a pour rôle de souligner leur éclat pour les porcelaines tels les tasses, les bols, les statues ou les sculptures.
🔨 Les étapes et les techniques de réparation
Au Japon, l’art traditionnel se transmet de génération en génération et du maitre-artisan au disciple. À cette époque, les maitres-artisans partaient en mer pour réaliser leur savoir-faire et leur art. Pour eux, c’était aussi un moyen d’éviter la poussière et de parfaire leur environnement de travail. Par ailleurs, l’Urushi qui est un matériel indispensable du Kintsugi est une substance très toxique et allergisante. Pour cela, lorsque l’apprenti faisait une réaction avec d’atroces démangeaisons, c’est à ce moment-là que son maitre déclarait officiellement qu’il est un vrai artisan Urushi. Avant de mettre en œuvre cette méthode, il y a quelques techniques à apprendre et à pratiquer pour la réparation d’objets et le métier de céramiste qui sont :
- Le façonnage ;
- Modelage ;
- L’art de la table ;
- Coulage ;
- Émaillages ;
- Les glaçures ;
- Le moulage ;
- Collage ;
- Le bricolage ;
- Le turquoise ;
- L’ardoise ;
Ainsi, pour la réparation sur cette technique de restauration japonaise, il existe 5 étapes, qui sont :
- Recoller les morceaux ;
- Laisser le temps poser ;
- Repartir sur de bonnes bases ;
- Révéler la beauté des fissures ;
- Cultiver l’art de l’imperfection ;
Source : http://tufousquoimarine.blogspot.com
Il faut savoir que sur chaque étape, il existe des métaphores et des citations japonaises. Ces citations ont pour but d’instaurer et de rappeler la sagesse sur tous les artisans Urushi.
1. Recoller les morceaux
Il faut savoir que sur l’étape du Kintsugi, il faut nettoyer et rassembler les éclats brisés. Puis, il faut mélanger la laque japonaise ou l’Urushi avec de la poudre de terre cuite. Celle-ci a pour but d’obtenir un genre de mastic qui sera appliqué sur les morceaux brisés. À la fin, il suffit d’appliquer délicatement le mastic sur les morceaux et de les recoller ensemble.
Sur cette étape, les artisans en déduisent que c’est le moment de soigner vos blessures. Que ce soit des blessures physiques ou émotionnelles, mais aussi pour rassembler vos forces. Comme disait l’écrivaine Céline Santini, comptez, numérotez et assemblez les pièces du puzzle de votre vie.
2. Laisser le temps poser
Sur cette étape, le but du Kintsugi est de sécher les objets pendant plusieurs semaines. C’est au moment du séchage que la résine va durcir sur l’objet. Après ça, il faut effectuer quelques retouches avec le mastic et le laisser sécher à nouveau.
Pour les artisans, cette phase de séchage de l’objet correspond au processus de cicatrisation. Pour eux, il faut bien prendre son temps nécessaire à sa propre reconstruction. Et comme dit le proverbe japonais, « tomber sept fois et se relever huit fois ».
3. Repartir sur de bonnes bases
Pour la troisième étape du Kintsugi, avant de déposer une fine couche de laque au pinceau sur les fêlures, il faut polir les céramiques. Ce dernier sera poli pour gommer toutes les irrégularités et les aspérités de la surface. Pour cela, il faut attendre jusqu’à environ une à deux semaines afin de le laisser sécher.
Cette phase interroge l’artisan s’il a déjà fait le deuil de son passé. Pour cela, il est temps de se recentrer sur le présent et de faire peau neuve. Cette phase est aussi appelée la phase de la renaissance de la Kintsugi. Comme disait Ernest Hemingway : « la vie brise tout le monde et ensuite, certains sont plus forts aux endroits brisés ».
4. Révéler la beauté des fissures
Sur cette étape, les failles sont enduites de laque ou d’Urushi associé avec de l’oxyde de fer. Ensuite, elles seront recouvertes de poudre d’or pour créer des motifs décoratifs. À la fin, quand tout sera sec, il faut repasser une dernière couche d’Urushi afin de fixer les décors.
Cette phase du Kintsugi révèle qu’il faut assumer son histoire personnelle et ses propres fêlures. Ainsi, vous vous relèverez de façon à devenir plus fort et à vous épanouir plus qu’auparavant. Selon Michel Audiard : « Bienheureux sont les fêlés, car ils laisseront passer la lumière ».
5. Cultiver l’art de l’imperfection
Pour cette dernière étape, les motifs laqués qui sont en or sont polis pour le but de révéler leur éclat. Pour cela, certains des maitres-artisans utilisent des dents de poissons ou des agates comme polissoire. Par ailleurs, il est indispensable de laisser volontairement quelques défauts. Celle-ci a pour but de donner du relief.
Sur cette phase du Kintsugi, il faut retenir que dans la vie, il faut apprendre à apprécier les petits défauts. Il faut aussi bannir la quête de la perfection fade et lisse. Céline Santini a dit : « Mettez votre part d’ombre en lumière ».
♻️ La philosophie du Kintsugi
Cette méthode de réparation japonaise part du principe que la beauté se trouve dans la nature éphémère et imparfaite. Chaque chose a une fin et tout renait de plus belle, mais cet art japonais incarne entièrement le symbole de la renaissance. Sur cette philosophie, tous les objets d’art laids au départ son propre témoin de son histoire et de son parcours. Ainsi, les marques du temps et les cicatrices sont les preuves d’une source de sublimation. La philosophie du Kintsugi est aussi une occasion de redonner sens à une deuxième vie. Cette philosophie est de même que les Samouraïs, qui exposaient aussi fièrement leurs blessures durant les combats.
Par ailleurs, la laque ou l’Urushi qui est une résine vivante durcit au fil du temps. Celle-ci procure une résistance incroyable et à la fois esthétique. Pour cela, les objets en mauvais état réparés par cette méthode traditionnelle sont plus beaux et plus solides que celle d’avant. Ceci est une bonne leçon de vie, à savoir que les blessures peuvent être changées en une force. Actuellement, cette technique de réparation Kintsugi est une technique riche en sens. Celui-ci joue le rôle d’un libérateur à travers l’objet réparé. Ainsi, les artisans en déduits que c’est avec soi-même que se fait la guérison.
Similaire à la philosophie japonaise « Wabi-sabi », cette philosophie est une étreinte de l’imparfait. En effet, l’esthétique japonaise valorise beaucoup les marques de fissures et d’usures dues à l’utilisation d’un objet. Celle-ci met en évidence les réparations et les fissures comme un simple évènement dans la vie d’un objet. Cette méthode de réparation se rapporte aussi à une philosophie japonaise appelée « Mushin » ou pas d’esprit. Le Kintsugi à une philosophie englobe les concepts d’acceptation du changement et le concept de non-attachement. Elle a aussi pour idée de l’acceptation du destin en tant qu’aspect dans la vie humaine.
🍽️ Les types de menuiseries
En tant qu’art traditionnel, philosophique et culturel, cette méthode comporte plusieurs types de menuiserie. En effet, les artisans ont leurs propres styles de raccommodage, mais de la même base. Pour les artisans, les objets en céramique sont aussi des objets décoratifs que ce soit une tasse de café, une sculpture céramique, une soutasse ou des objets en verre.
À savoir que la production de céramique pour le Kintsugi est d’une importance capitale. Ainsi, pour la menuiserie et la création céramique, il existe plusieurs types de céramique et porcelaine qui sont :
- La céramique chinoise ;
- Céramique contemporaine ;
- Objets en porcelaine ;
- Vaisselle en céramique ;
- Céramique fine ;
- Céramique et verre ;
- Poterie céramique ;
- Porcelaine de Limoge ;
- Porcelaine fine ;
- Porcelaine dure ;
- Porcelaine blanche ;
Pour la menuiserie, il existe plusieurs types principaux et quelques styles du Kintsugi qui sont :
- « Hi bi » ou « fissure » ;
- “Ketsuke no kin Tsugigirei” ou “methode à la pieces”;
- « Ko bi Tsugi gi » ou « appel conjoint ».
« Hi bi » ou fissure
Celle-ci consiste à utiliser des poussières d’or et des résines ou de la laque. Ces derniers ont pour rôles d’attacher les pièces ou les objets cassés. En effet, elles sont accompagnées d’un chevauchement minimal ou d’un remplissage des pièces manquantes.
« Ketsuke no kinTsugi gi rei » ou méthode à la pièce
Ce type de menuiserie du Kintsugi est le style où un fragment de céramique de remplacement n’est pas disponible. En effet, l’intégralité de l’addition est ainsi composée d’or ou de laques d’or.
« Ko bi Tsugi gi » ou appel conjoint
Celle-ci se pratique au moment où un fragment de forme similaire est utilisé pour remplacer une pièce manquante. En effet, celle-ci ne correspond pas à la forme originale de l’objet du vaisseau d’origine, et ce qui donne un effet appelé « patchwork ».
Le Kintsugi et son influence sur l’art moderne
À ses débuts, cet art traditionnel japonais avait pour concept général à souligner toutes les imperfections. Cette technique consistait aussi à mettre en évidence et à visualiser les raccords et les coutures comme un additif.
Actuellement, les artistes modernes expérimentent le Kintsugi comme un moyen d’analyser l’idée de perte. Ils utilisent aussi cette technique ancienne pour un moyen d’amélioration par la destruction et surtout pour la renaissance. De nos jours, plusieurs artistes utilisent cette technique dans la vie quotidienne. Il est actuellement encore possible d’avoir recours au Kintsugi pour :
- La rénovation de vos vaisselles et de vos bols ou de vos vases ;
- La décoration des vieux paniers en osier ;
- Le Relooking de vieux cadre saupoudré d’or ;
- La broderie des perles sur une pochette abimée ou la broderie en or de vos pulls en laine ou la broderie d’une nappe avec des patchworks Kintsugi du Japon ;
La légende de Sen No Rikyu et le Kintsugi
À l’époque du sage Sen No Rikyu, qui était un maitre dans l’art de la cérémonie du thé, fut invité par un admirateur un jour. L’admirateur fort honoré de la présence du sage lui offrit du thé dans un bol magnifique. L’admirateur pensait épater le sage avec le bol, mais celui-ci n’a eu aucune réaction et n’a accordé aucune attention au bol. Se mettant en colère et déçu, l’admirateur brisa le précieux bol de thé. C’est à ce moment-là que quelques amis de l’admirateur ramassèrent les morceaux du bol et l’emmenèrent avec eux.
Plus tard, l’admirateur invita encore une fois le sage Sen No Rikyu, l’offrit avec un bol de thé pas comme celle d’avant. Le sage fut surpris en voyant le bol tel un puzzle assemblé avec les morceaux cassés. Cette légende fut l’un des facteurs où les Japonais ont vu naitre le Kintsugi.
Un art de l’espérance
Normalement, un objet brisé est plus souvent considéré comme un objet à mettre dans le déchet. Pour cette technique traditionnelle, un objet en céramique en pièces détachées est vu comme le commencement d’une œuvre d’art. L’objet cassé représente à lui seul son histoire, ses vécus et sa reconstruction. Cet art laisse place à une voie inédite tout en révélant tout autre objet cassé ou détruit. C’est comme donner une deuxième chance à la vie, tout en exposant la beauté de chaque objet.
(Source : thebrside.com)
Les symboles de cet art japonais
Le travail de l’artisan Urushi est de mettre en valeur la beauté d’un objet cassé avec cette technique. À savoir, la symbolique du Kintsugi est claire, c’est en effet une philosophie de vie. C’est aussi une façon de démontrer que ce qui est brisé peut être viable, ce qui est vieux peut être façonner et utile. Celle-ci symbolise une métaphore de la résilience et de la guérison. En effet, l’objet cassé ancré par la laque et le métal de leur cicatrice deviennent plus résistants après avoir été rapiécés. Et même pour les êtres humains, ça symbolise la force avec l’expérience et les épreuves.
Le Kintsugi pour tous
Actuellement, il existe plusieurs types et catégories de Kintsugi coloré à la portée de tous. Il y a plusieurs couleurs pour les objets du quotidien comme la couleur :
- Orange, blanc, bleu ;
- Gris, jaune, marron ;
- Crème, multicolore, translucide ;
- Noir, rose, rouge, vert ;
Voici quelques exemples d’art de Kintsugi de nos jours qui sont :
- Assiettes en porcelaine dynastie Qing — kangxi datant de 1662 à 1722 ;
- Assiette vintage avec Maki-e-naoshi et la femme lapin ;
- Assiettes creuses vintages au pissenlit ;
- Assiette creuse au pissenlit ;
- Assiettes plates vintages avec Maki-e-naoshi
- Des boites en porcelaine japonaise ;
- Bol à thé sencha de Hagi ;
- Chawan au cheval de seto dans son tomobako ;
- Chawan bleu canard ;
- Chawan bleu nuit ;
- Corbeille à fruit et Makienaoshi ;
- Grande vase avec Haiku ;
- Une grande bouteille en verre ;
- Hiiresometsuke Gintsugi ;
- Jarre en céramique noire ;
- Kashibachi en porcelaine Imari du mont Fuji ;
- Ki-Seto Chawaneto ;
- Lady Jane ;
- Komogai-narisakurachawan ;
- Miroir Kintsugi ;
- Vaisselle en porcelaine ;
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